Exercice de style. Racontez une photographie de votre choix
En période de guerre, rares sont les moments d’intimité où l’on peut profiter pleinement d’une salle de bain et se délester de tous ses oripeaux de circonstances. Lee Miller, photographe américaine venue couvrir la Seconde guerre mondiale en Europe, goûte à plaisir encore plus improbable : elle se lave dans la baignoire même du Führer, à Munich, quand l’armée allemande vit ses dernières semaines d’agonie.
Dans cette salle de bain en apparence ordinaire, tout en fait est mis en scène, de la posture du modèle à la disposition des éléments. Les bottes crasseuses plantées là, en évidence, rappellent que la guerre n’est pas loin. La baigneuse grecque en céramique que Lee regarde par en-dessous évoque l’obsessive « hygiène esthétique » du parti national-socialiste. Une hygiène que reprend évidemment la représentation même de cet instant qui semble glorifier l’ordre et la propreté.
L’ironie de la scène est mordante: une photo d’Hitler a été posée dans le coin gauche du cadre, comme une icône de papier que le moindre jet d’eau savonneuse viendra abîmer. L'Histoire retiendra elle que c’est une artiste dégénérée (ancienne surréaliste, elle fut la muse et l’élève de Man Ray) qui profane si scrupuleusement la demeure du Führer.
Dérision subversive donc, mais qui n’en oublie pas les tragédies en cours. Lee Miller connaît la démesure nazie, l’antisémitisme du régime, sa violence systémique. Avec les pieds de la chaise et de la tablette, le shooter David Scherman a introduit l’image subliminale d’une croix gammée. Et comme par un procédé de persistence rétinienne, on ne peut dès lors plus la quitter des yeux. La svastika nazie se fond partout, sur le tapis, entre le carrelage, sur les robinets muraux. Lee Miller devient alors un détail encombrant du tableau qui n’aura fait oublier qu’un bref instant la sombre banalité d’Adolf Hitler.
Photo: David E. Scherman, Lee Miller in Hitler's bath
L’exposition « L’art de Lee Miller » au Jeu de Paume s’est terminée le 11 janvier dernier
Février 2009
En période de guerre, rares sont les moments d’intimité où l’on peut profiter pleinement d’une salle de bain et se délester de tous ses oripeaux de circonstances. Lee Miller, photographe américaine venue couvrir la Seconde guerre mondiale en Europe, goûte à plaisir encore plus improbable : elle se lave dans la baignoire même du Führer, à Munich, quand l’armée allemande vit ses dernières semaines d’agonie.
Dans cette salle de bain en apparence ordinaire, tout en fait est mis en scène, de la posture du modèle à la disposition des éléments. Les bottes crasseuses plantées là, en évidence, rappellent que la guerre n’est pas loin. La baigneuse grecque en céramique que Lee regarde par en-dessous évoque l’obsessive « hygiène esthétique » du parti national-socialiste. Une hygiène que reprend évidemment la représentation même de cet instant qui semble glorifier l’ordre et la propreté.
L’ironie de la scène est mordante: une photo d’Hitler a été posée dans le coin gauche du cadre, comme une icône de papier que le moindre jet d’eau savonneuse viendra abîmer. L'Histoire retiendra elle que c’est une artiste dégénérée (ancienne surréaliste, elle fut la muse et l’élève de Man Ray) qui profane si scrupuleusement la demeure du Führer.
Dérision subversive donc, mais qui n’en oublie pas les tragédies en cours. Lee Miller connaît la démesure nazie, l’antisémitisme du régime, sa violence systémique. Avec les pieds de la chaise et de la tablette, le shooter David Scherman a introduit l’image subliminale d’une croix gammée. Et comme par un procédé de persistence rétinienne, on ne peut dès lors plus la quitter des yeux. La svastika nazie se fond partout, sur le tapis, entre le carrelage, sur les robinets muraux. Lee Miller devient alors un détail encombrant du tableau qui n’aura fait oublier qu’un bref instant la sombre banalité d’Adolf Hitler.
Photo: David E. Scherman, Lee Miller in Hitler's bath
L’exposition « L’art de Lee Miller » au Jeu de Paume s’est terminée le 11 janvier dernier
Février 2009
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire