mardi 23 octobre 2007

Pédophiles, chômeurs, consanguins... pourquoi ils nous fascinent

Deux années, deux catégories, deux cartons. 2007, Muriel Barbery défie les lois de la gravité littéraire en vendant plus de 700 000 exemplaires de son « Elégance du hérisson », un portrait piquant d’une concierge bougrement érudite. 2008, rebelote, au cinéma cette fois. Les Ch’tis partent en vadrouille et torpillent le record du plus grand nombre d’entrées enregistré pour un film français. Un point commun aux deux œuvres : une certaine fascination pour la « beauferie », un tendre mépris des élites, bref, une réhabilitation à mots couverts de la « France d’en bas ».
Des antihéros pourtant, la littérature et le cinéma en ont connu d’autres. Il suffit de plancher quelques instants sur l’œuvre de Flaubert (tout le monde se souvient de la casquette en lapin de Charles Bovary…), de Beckett ou de Milos Forman (Salieri, génie de médiocrité…) pour comprendre qu’il n’est point besoin d’être héroïque pour être digne d’intérêt. Mais c’est peut-être justement là que le bas blesse.
La niaiserie plus ou moins savante des personnages qu’incarnent tantôt la concierge Renée, tantôt Dany Boon (aka Antoine Bailleul) sont avant tout des ressorts comiques propres à créer des tensions où la parole et le geste interviennent comme des détonateurs. Impossible de résister à leurs moqueries, même bienveillantes, quand on pense aux gaffes de Philippe Abrams (le supérieur hiérarchique de Bailleul) ou aux railleries de ladite Renée. Mais voilà, le fait est qu’une fois le mot « fin » arrivé, il ne reste plus grand-chose. Au mieux, un souvenir ému. Au pire, la franche sensation de s’être fait arnaqués.
De tels succès laissent perplexes, et nécessiteront sans doute quelques années avant d’être totalement éclaircis. A moins que leur caractère anecdotique ne reprenne finalement le dessus. Car il semblerait somme toute un peu paradoxal de compter parmi les « chefs d’œuvre » des productions qui, par définition, nient toute hiérarchie (sociale, culturelle) et confortent finalement les idiots dans leur idiotie, les « savants » dans leur mépris de l’inculture. Non pas que l’on doive pleurer sur les difficultés que connaissent nos chères élites bien-pensantes, mais qu’au moins, on puisse trouver regrettable que la culture dite « populaire » soit à ce point passéiste et revancharde. Après le « syndrome Amélie Poulain » d’une France déréalisée qui ne vit qu’au travers des autres, nous voilà maintenant devenus nostalgiques des corons. De quoi « brailler » un bon coup.
Mai 2007