lundi 2 février 2009

Michel Desjoyeaux, le roi sans terre


Exercice de style. La victoire de Desjoyeaux au Vendée Globe

Une quarantaine de bateaux, trois hélicoptères, un feu d’artifice, cent mille personnes sur la jetée... Michel Desjoyeaux est de retour d’exil. Un exil qui a duré 84 jours et 84 nuits, sans jamais toucher terre.
Il y a comme une douce impression de déjà-vu dans ce triomphe. 2001 était l’année du premier sacre ; 2008 est celle de l’adoubement suprême. En terre vendéenne, on peut être deux fois roi dans une vie. Et commander aux éléments en toute liberté.
Michel Desjoyeaux ne navigue pas, il lévite sur l’eau. Un jour de retard au départ, deux d’avance à l’arrivée. C’est un renard des mers, un soliflore au regard juvénile. Ses ancêtres sommeillent quelque part au fond des océans. Son maître Tabarly y repose à jamais.
Desjoyeaux est hors temps. Un conquistador moderne qui voyage sans drapeau. « Je pense, mais je ne comprends pas » dit le poète. Desjoyeaux fait tout l’inverse. Il comprend les creux, le ressac et la houle, le vent et les marées. En navigateur de l’au-delà.
Lunaire et majestueux, il impressionne par sa tempérance. Le destin n’assomme que les âmes sombres, erratiques. Son sourire ferait presque oublier les épreuves traversées : les nuits sans sommeil, le vent qui claque, les avaries qui guettent, la solitude. Yann Eliès y a risqué sa vie. Il ne reste à l’arrivée qu’une douzaine de héros sur les trente au départ.
Pour un terrien lambda, il n’existe rien de plus énigmatique que l’ivresse du large qui berce les grands navigateurs. La torsion des voiles qui masquent le ciel a quelque chose d’irréel. Un bateau a ses codes et son langage. C’est une île en soi où seuls quelques individus peuvent se risquer.
De titres, Desjoyeaux en compte plusieurs dizaines. Avec son doublé au Vendée globe, il détient à présent le plus beau des records. Gravé dans le sable, car éphémère, même si aucun dauphin ne semble encore prêt à prendre la relève. Desjoyeaux règne en solitaire sur la planète Océan. Il mérite bien sa couronne.

Février 2009

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