jeudi 2 avril 2009

"Dada East", un peu trop easy

De tous les mots en –isme que compte la langue française, le « dadaïsme » est un des seuls ayant un tréma sur le I. Sans doute une façon de se distinguer, comme l’a toujours fait ce mouvement culturel né aux alentours de 1916 à Zurich et mort quelques années plus tard à Paris.
Avec comme ambition première la maîtrise du « bordel absolu », le dadaïsme a cultivé l’art du désordre jusque dans les nationalités le représentant. Max Ernst était donc allemand, tout comme Raoul Haussman, Marcel Duchamp était français, Man Ray américain, Jean Harp franco-suisse, Tristan Tzara carrément roumain…
C’est à ce dernier que le musée des Beaux-arts de Tourcoing rend hommage –un hommage paradoxal, dans la mesure où :
1. Très peu d’œuvres de Tristan Tzara sont exposées.
2. L’expo lorgne également sur la création roumaine d’hier et d’aujourd’hui.

Pour un musée, il est toujours difficile de s’attaquer au mouvement dada. Le dilemme est le suivant : recréer une « atmosphère dada » révolutionnaire et confinant à l’absurde, tout en restant pédagogique et accessible. Sauf que lorsqu’il s’agit d’éclairer un visage méconnu de cette révolution (ici, les dadas roumains), l’exercice est quasiment infaisable.
C’est cette seconde « prérogative » que le musée de Tourcoing peine le plus à remplir. Il est quasiment impossible de déterminer ce qui, chez Tristan Tzara, Marcel Janco ou Arthur Segal (pour ne citer qu’eux), renvoie à leur « roumanité ». Et pour le côté « bordélique » de l’expo, on a simplement droit à des cartons mal emballés et des cimaises négligées. Pas vraiment la folie créatrice qu’a connue le Cabaret Voltaire de Zurich au début du siècle…
Une expression veut que « lorsqu’on va voir une prostituée, le meilleur moment c’est quand on monte les marches ». Ici, c’est un peu pareil. Le plus attractif, ce sont les murs à l’entrée du musée que l’on est invités à souiller -avec un stylo... Le public semble répondre présent, et les messages laissés sont parfois très drôles.



Pour le reste, la muséographie est incohérente, mal expliquée, foutraque et austère. Un point positif : les œuvres, hélas peu nombreuses, sont d’assez bonnes qualités. Pour peu que l’on se penche sur les cimaises et les vitrines, on aperçoit de jolies images, des jeux de construction sympathiques, des vidéos plutôt cocasses, des documents d’époque rares…



C’est un peu court, mais surtout cela ne correspond pas au titre de l’exposition « contexte roumain ». Ce qui est surprenant, c’est que ce contexte roumain nous est présenté dans des œuvres bien plus récentes, censées tisser un lien direct avec l’ancêtre dada. Mission ratée. Plus grave : l’expo semble oublier que Dada a donné naissance à tout le XX° siècle ! Ces vidéos, au demeurant amusantes, n’ont rien de proprement « dada », pas plus qu’elles ne portent la trace d’une quelconque Roumanie –réelle ou fantasmée… C’est dommage.



(Vidéo datant de 2006, intitulée Choose)

L'oeuvre suivante est en réalité proche de la précédente. Trente ans plus tôt, l'homme se battait déjà contre des chimères...



Absurdité, danger, évanescence... ces images noir et blanc rappellent un peu celles d'Hugo Hülsenbeck au Cabaret Voltaire.

Le plus beau moment de l'exposition reste ces 20 minutes de documentaire amateur rassemblant des images de la révolution roumaine de 1989. Des images prises à vif, montées et commentées par une voix française. Le rapport avec le thème de l'exposition est douteux, mais le tout est hypnotique.



DADA EAST
Le contexte roumain du dadaïsme,

au musée des Beaux-arts de Tourcoing
Jusqu'au 2 juillet 2009

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